“Les Contes de Canterbury” est un recueil de 24 récits écrits par Geoffrey Chaucer entre 1387 et 1400. C’est une œuvre majeure de la littérature anglaise médiévale, souvent comparée à l’équivalent du “Décaméron” italien. Chaque conte est raconté par un pèlerin différent qui fait partie d’un groupe en route vers le sanctuaire de Saint Thomas Becket à Canterbury. Les contes sont variés dans leur genre, allant des romances courtoises aux histoires moralisatrices, et fournissent une image vivante et colorée de la vie au XIVème siècle.
Sommaire
Chaucer naquit au milieu du XIVe siècle dans une famille aisée de Londres. Il a travaillé comme fonctionnaire royal, voyageant souvent à travers l’Europe pour des missions diplomatiques. Ces voyages lui ont permis d’être exposé à divers genres littéraires européens qu’il a intégrés dans son propre travail. Les Contes de Canterbury ont été écrits vers la fin de sa carrière alors qu’il était déjà reconnu comme un poète important en Angleterre.
L’objectif principal des Contes, selon les propres mots du Prologue général où il décrit chaque pèlerin, était “de présenter simplement et sincèrement les conditions humaines“. Ils étaient destinés non seulement à divertir mais aussi à instruire le lecteur sur les différents aspects moraux et sociaux du temps – beaucoup des contes comportent une ‘morale’. En outre, ils offrent également un regard critique sur divers aspects institutionnels tels que l’église catholique romaine qui était dominante à l’époque. À travers ses contes, Chaucer a réussi à créer une fresque vivante et détaillée de la société anglaise médiévale, avec ses classes sociales, ses croyances religieuses et ses coutumes.
Structure et Contenu des ‘Contes de Canterbury’
La structure de “Les Contes de Canterbury” est unique. Le livre commence par un prologue général où Chaucer présente les 29 pèlerins qui se rendent à Canterbury. Chacun d’entre eux est censé raconter deux histoires sur le chemin aller et deux autres sur le chemin du retour, mais seulement 24 contes ont survécu dans l’œuvre inachevée. Les contes sont présentés comme des récits personnels, chaque pèlerin ayant son propre style narratif et ses propres préoccupations.
Parmi les histoires racontées, on trouve une grande variété de genres narratifs : des romances courtoises comme “Le conte du chevalier”, des fabliaux (histoires comiques) comme “Le conte du meunier”, des récits hagiographiques (sur la vie des saints) comme “Le conte de la seconde nonne”, et même une tragédie aristotélicienne dans “Le conte du moine”. Certains contes sont également reliés entre eux par un dialogue ou une querelle entre les personnages, créant ainsi une interaction dynamique au sein du groupe.
Les personnages, ou plutôt les pèlerins-narrateurs, représentent divers secteurs de la société anglaise médiévale – allant de la noblesse (le Chevalier) aux gens ordinaires (le Meunier, l’Aubergiste) en passant par le clergé (le Moine, la Prieure, etc.). Ce qui est remarquable chez Chaucer, c’est sa capacité à donner vie à ces personnages en utilisant leur langue et leur style narratif pour refléter leur statut social et leur personnalité.
Pour terminer, il est fondamental de noter que le contenu des contes varie en fonction du caractère moral et des motivations du conteur. Par exemple, le Chevalier, qui est décrit comme étant noble et courtois, raconte une histoire d’amour romantique avec un ton sérieux; tandis que le Meunier, qui est grossier et rustre, raconte une histoire grivoise pleine de farces. Ainsi, Chaucer utilise la structure narrative pour explorer la diversité humaine dans ses différentes facettes – sociale, morale et psychologique – offrant au lecteur une image complexe mais authentique de l’humanité.
Analyse et Interpretation
L’un des thèmes majeurs dans les “Contes de Canterbury” est la critique sociale. Chaucer se sert des contes pour passer en revue toutes les classes sociales, exposant leurs vices et leurs vertus. Il critique de manière satirique l’hypocrisie et la corruption du clergé, comme on le voit dans le conte du Frère qui vend des indulgences religieuses. L’argent est également un thème récurrent, souvent associé à la tromperie et à l’avarice comme dans “Le Conte du Meunier“. Le désir sexuel et le pouvoir féminin sont également explorés à travers plusieurs contes, notamment “Le Conte de la femme de Bath“.
Dans son œuvre, Chaucer utilise une variété impressionnante de techniques littéraires pour raconter ses histoires : il utilise par exemple l’ironie pour critiquer subtilement certaines pratiques sociales ou religieuses; il joue avec les genres narratifs pour surprendre le lecteur; il emploie aussi fréquemment l’allégorie comme moyen d’exploration morale. En ce qui concerne les symboles, ils sont nombreux et variés : par exemple, le pèlerinage lui-même peut être vu comme un symbole du voyage spirituel que chaque individu doit entreprendre dans sa vie. Quant à l’intention de Chaucer en écrivant ces contes, elle semble avoir été multiple : divertir ses contemporains bien sûr; mais aussi offrir une peinture vivante et complexe – tantôt comique tantôt grave – de son temps; en somme (et c’est là sans doute son coup de génie), donner naissance à une œuvre qui continue à parler à ses lecteurs, siècle après siècle.
Impact et Influence des ‘Contes de Canterbury’
“Les Contes de Canterbury” ont eu un impact significatif sur le monde littéraire, non seulement en Angleterre mais aussi dans toute l’Europe. Chaucer est souvent considéré comme le père de la littérature anglaise, et son utilisation innovante de la langue vernaculaire a ouvert la voie à d’autres écrivains anglais. Son œuvre a influencé des auteurs majeurs tels que William Shakespeare et John Milton. De plus, ses contes ont été largement traduits dans d’autres langues, contribuant à diffuser des styles narratifs variés et à enrichir les traditions littéraires européennes.
L’œuvre continue d’exercer une influence notable sur les écrivains contemporains qui revisitent ses contes pour explorer des thèmes modernes – par exemple, Margaret Atwood avec son roman “The Handmaid’s Tale”, qui reprend certains éléments du “Conte du chevalier“. En outre, “Les Contes de Canterbury” restent pertinents aujourd’hui en raison de leur exploration profonde de l’humanité sous toutes ses facettes – noblesse et bassesse, vertu et vice, amour et haine. Ils nous rappellent que malgré nos différences apparentes (de classe sociale, genre ou religion), nous partageons tous une expérience commune : celle du voyage humain avec toutes ses joies et peines.